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La montagne plastique

  Chronique des ramasseurs

  Les causes de pollution dans les pays dont le développement s’active se mesurent aux regards portés sur les paysages, près des douars dans les campagnes, aux abords des villes ou dans les regroupements urbains. Si écologie est un mot à la mode dans les pays riches, il reste un mot peu répandu dans d’autres pays.
  Quelques hommes et femmes font un geste écologique sans le savoir ! Cependant le ramassage des matières recyclables tient plus de la survie pour trouver des moyens de nourrir une famille qu’un acte volontaire de protéger son pays, sa ville, sa commune… des multiples pollutions visibles ou invisibles.

  Quelque part au Maroc dans une décharge municipale.

  La décharge récupère l’ensemble des déchets d’une grande ville ainsi que des douars environnants.
  Environ vingt quatre personnes ramassent et trient les détritus chaque jour, sept jours sur sept. Des abris de fortune sont installés aux quatre coins de la décharge. Ils sont faits de bois ou de métal pour l’ossature et pour les parois, de tapis, de cartons et de couvertures. Chaque matin, c’est une dizaine de camions qui déposent les ordures. A l’arrivée des camions, ce sonts des interpellations, des coups de sifflets que lancent les ramasseurs pour attirer le chauffeur vers leur lieu de triage. A la dépose du précieux chargement, les ramasseurs armés de crocs constitués  d’un manche et de deux fers tors recourbés arrachent au tas d’ordures les éléments recyclables. C’est un travail difficile sous un soleil de plomb.
  Sur les bords de la décharge, près du boutan, des monticules de sacs remplis de déchets recyclables ;  ballots de bidons de plastiques, de métals divers (boîte de sardines, conserves et ferailles), et ballots de bouteilles et bocaux de verre, sont destinés à être transportés jusqu’à l’usine de recyclage de Marrakech.
  Seul le mica (sac plastique) n’est pas ramassé ; il ne rapporte rien. Alors, lors des tempêtes de vent, ils forment dans le ciel comme un vol de corbeaux tournoyants au dessus de la décharge et se déposent, plus loin, transformant les collines environnantes, minérales, en d’immenses champs de plastiques.

  Hcein, le premier ramasseur rencontré me dit avoir 34 ans et travaille depuis plusieurs années sur la décharge. Avant il travaillait dans une boutique. Il me dit gagner environ 1000 dirhams par mois de travail. Il me dit que les ramasseurs viennent de Marrakecch, de Zagora, de Ouarzazate, de Taznarkth et d’ailleurs.Tous les deux ou trois mois, certains retournent dans leur famille pour alimenter le maigre budget familial.

  Quels sont les codes ? Les tractations ?  Comment déchiffrer les connivences, les échanges commerciaux ? Qui travaillent avec qui ?
  D’une façon générale tout le monde s’y retrouve ; les ramasseurs, les chauffeurs, le gardien de la décharge.
  Certains camions repartent chargés des ballots de déchets recyclables, d’autres repartent à vide pour un nouveau remplissage.

  Six à sept troupeaux, moutons et chèvres confondues, vivent sur le site composant un  ensemble d’environ 3000 têtes de bétail.
  Les moutons et les chèvres ne sont pas en reste et bataillent pour manger les déchets organiques.
  Abdheraman est ramasseur et berger. Il possède environ 400 têtes de bétail dont une centaine appartient aux membres de sa famille. Il a 43 ans et est père de trois filles et un garçon.  
  Dans le troupeau, on trouve les jeunes brebis, harcelées par les béliers exités par les chaleurs, des petits de quelques jours aux vielles mères aux pis déformés.
  Sur un sol couvert de milliers de détritus aussi dangereux que le verre, le métal…. la dure loi de la sélection naturelle ou de la chance joue sa partition ; pattes cassées ou enflammées, pis déformés, maladies chroniques diverses,  indigestions suite à la nourriture variée , composée de plastique, carton et autre aliment moderne.

  Le troupeau se nourrit, se repose et se désaltère au point d’eau, en bas de la colline. Le soir sur une autre colline, une bergerie creusée dans la terre et la pierre accueille les bêtes pour la nuit.

  Des hordes de chiens errent également, 30 à 16O individus suivant les périodes. Les chiens restent à l’écart dans la journée. Ils attendent la nuit pour venir manger ce qu’il reste, ils savent ce qui les attendent s’ils s’approchent trop des hommes. Alors de temps en temps, ce sont de grandes courses effrennées sur les flancs des collines. Les chiens s’apostrophent par des aboiements et les rites des clans se perpétuent.

  Hcein prépare la cuisine pour le Ftour, le petit déjeuner, premier repas au coucher du soleil, pendant le Ramadan. La nuit se pose, le silence revient après une journée chaude du bruissement des milliers de mouches, des aboiements des chiens, du bêlement des animaux et du passage des camions.
  Une voix retentie. Un ramasseur a endossé sa djellabah et entonne la prière du soir, le dos tourner au soleil couchant. Il est 18h3O. Il fait nuit.

 

                                                                    
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                                                                     @ José Saudubois