Turquie

  Sur la route d’Igdir, au pied du mont Ararat, le mercredi 29/06/11
                                                                                                          

   Sur le bas-côté de la route, deux maisons. Ce sont deux fermes tenues par un couple et ses enfants d’un côté, et de l’autre par une femme.
   Mustapha nous accueille avec le traditionnel thé. Il rentre juste des champs où il a passé la journée à couper le foin à la faux. Il nous montre ses bêtes. Des vaches, des chèvres, des moutons. Quelques poules avec des poussins et un dindon au penchant territorial affirmé forment le reste du cheptel.
  Dans la soirée, Mustapha sort avec un fusil et me fait signe de partir avec lui dans la montagne.
  Nous partons ! En cours de marche, je lui demande ce qu’il veut chasser et par signes, il me décrit la «bête» qui rampe vers le troupeau.
  Alors, pour confirmation, j’imite, très mal, le hurlement du loup. Et Mustapha acquiesce.
  Il y a longtemps que je souhaite voir le loup, mais ce soir, je ne suis pas pressé.

          Au pied du Mont  Ararat

 Le dindon

                                             Au pied du Mont  Ararat                                                  @ José Saudubois

                                               

  Arrivés sur les hauteurs, nous nous asseyons sur les pierres chaudes, volcaniques. Mustapha me dit de regarder où je pose mon postérieur, ici, c’est aussi le domaine des serpents.
  Mustapha scrute le paysage. Nous nous déplaçons plusieurs fois, en essayant de faire le moins de bruit possible.
  Dans le fusil, les cartouches de chevrotines, très gros calibre, sont prêtes et Mustapha me montre son permis de chasse. Deux à trois heures passent. Aucun animal sauvage en vue. Alors nous apprenons mutuellement les mots de la ferme, des bêtes et du ciel. La vache (inec), le mouton (Koïyun), la chèvre (Tchetchi), la pierre (tach) et l’étoile (Ilas)… Ces mots, que je répète phonétiquement, c’est du Kurde, car Mustapha est kurdy, c’est comme cela qu’il se présente. Nous passons un bon moment à répéter inlassablement les mots pour les mémoriser.
  En regardant les étoiles, à la nuit tombée, j’essaie de comprendre Mustapha, et son désir de tuer la bête. Quatre de ses chèvres ou moutons ont été égorgés dernièrement. Je ne sais pas combien de bêtes, Mustapha peut perdre dans une année. Le coût du fusil et des munitions est-il rentable ?
  De l’autre côté, je comprends le loup, qui trouve de quoi se nourrir.
  Voilà, Il est temps de redescendre avec le troupeau vers les maisons. La bête - loup, chacal, chien errant ? - n’est pas venue, pour manger la pauvre chèvre ou le tendre mouton. Je suis soulagé ! L’animal est vivant, les chèvres et les moutons ne serviront pas de repas du soir.
  Il fait nuit au pied du mont Ararat, les étoiles luisent dans le ciel, la voie lactée offre aux regards des milliards de points lumineux comme autant de questions posées sans réponses.
  Il est temps de se coucher.
                                             Au pied du Mont  Ararat                                              @ José Saudubois