Lettre ouverte à Lonely Planet

    Turquie, le 1er juin 2012

    Bonjour,

    Nous sommes en voyage depuis 14 mois sur les routes d’Asie dans le cadre d’un congé sabbatique de deux ans.
    Nous sommes actuellement en Turquie et avons lu quelques uns de vos ouvrages, notamment celui sur la Turquie.

    Nous aimerions, par ce courriel, vous faire part de nos observations qui s’articulent en trois points :

  1. Ressenti sur la rédaction
  2. Sensible à l’éthique du voyage et à l’environnement
  3. Une problématique rencontrée
  1. Ressenti sur la rédaction

    Il y a dans les textes des expressions, des avis ou des interprétations qui  nous interrogent !
    L’ethnocentrisme, les raccourcis (C’est toute la difficulté de l’exercice d’un guide), comme les exemples appuyés sur des personnages disparus tragiquement pendant leurs déplacements, laisseraient à penser que les barbares ne seraient que d’un côté du globe. L’histoire mondiale montre que ce n’est pas le cas.
    Qu’y-at-il  derrière tout cela !

    Vous n’hésitez pas à donner votre avis sur une région, une ville - «celle-ci est une bourgade morne, il n’y a rien à y faire ou à voir», cet autre lieu peut se visiter  en «une demi-heure, une heure maximum», « aller mangez dans ce restaurant », c’est le choix de l’auteur. Tout cela nous laisse perplexes !

   Nous souhaiterions citer un extrait du livre de R.L Stevenson - Voyages avec un âne dans les Cévennes -
   Après avoir fait part de ses intentions sur le chemin qu’il voulait prendre et les réponses reçues voilà ce qu’il écrit :
« …/…Je me trouvais immédiatement en face de cette dernière et très désagréable forme d’indiscrétion, celle par laquelle on fait intervenir la tradition et l’autorité dans le choix que fait un homme de ses plaisirs. Je peux excuser une personne qui combat mes hérésies politiques ou philosophiques parce que celles-ci, je les ai délibérément acceptées et que je suis prêt à les justifier par des arguments. Mais je ne cherche pas à justifier mes plaisirs. Si je préfère un paysage apaisant plutôt que grandiose, quelques rayons de soleil réchauffant sur des plaines couvertes de parcs  et de bois aux éléments déchaînés autour du sommet du mont-blanc ; ou bien si je préfère une pipe de tabac  doux et la compagnie d’un ou deux amis à un bal où  j’aurais trop chaud, où je me sentirai déplacé et où je m’ennuierai, je me contente  d’énoncer ces préférences comme des faits et je ne cherche pas à les établir comme des principes…/… »

 

  1. Sensible à l’éthique du voyage et à l’environnement,

    Vous préconisez aux voyageurs quelques recommandations de «savoir vivre» et de «respect de l’environnement »  à travers votre Charte Ethique.
    Nous avons constaté, lors de nos déplacements, les désordres occasionnés par notre  présence  dans les pays visités. En effet, ces pays  ne se sont pas donné les moyens de la gestion des déchets.
    Vous-même, par  votre activité d’éditeur, vous envoyez des milliers de personnes.  Vous êtes en partie responsable des désordres occasionnés puisque vous donnez une foule de renseignements qui rassure les touristes ; le chemin est bien balisé, «Vous pouvez y aller», avec la petite peur dans la tête entretenue par la lecture d’un épisode tragique survenu il y a bien longtemps. Quelle aventure !
    Le tourisme de masse génère une quantité importante de désordres.
 
   Dans la quatrième de couverture, vous écrivez que vous êtes sensible à l’éthique du voyage et à l’environnement, et que vous offrez la possibilité d’explorer le monde autrement (sic).
   Vous ne manquez pas de dire que vous n’acceptez aucune publicité, que vos auteurs ont sillonné toutes les contrées, ont mangé et dormi dans tous les établissements cités ?
   Dans la rubrique En coulisse, page 665, vous citez que vous reversez un pourcentage de vos bénéfices à des actions humanitaires, à la défense de l’environnement.
   Nous sommes allez faire un tour sur votre site prendre connaissance des  actions que vous menez  pour la défense de l’environnement. Nous n’avons pas trouvé d’informations à ce sujet ? Peut-être pourrez-vous nous dire vers quelle rubrique nous devons nous diriger !


   Puisque vous reconnaissez une partie de la responsabilité de l’impact sur l’environnement, nous pensons qu’en qualité d’éditeur, vous pourriez avoir, vous aussi, un engagement à travers une charte éthique que vous présenteriez également à tous les prestataires cités dans vos guides.
   Cette charte pourrait indiquer que vous avez  décidé de lancer un nouveau guide avec les adresses de tous les prestataires de services qui s’engagent dans le recyclage des déchets, qui s’engagent à sensibiliser tous leurs partenaires, à mettre en avant leur souci de nuire le moins possible à la nature. En d’autres termes, qui prennent en considération non seulement le profit, mais également les questions environnementales et sociales.
   La volonté de l’établissement à tenir ces types d’engagements deviendrait  la valeur première pour être présent dans votre guide.

   Comme vous le préconisez si bien pour vos lecteurs, vous serez  devenu un éditeur responsable, mettant en avant ses propres problématiques, ses contradictions, ses paradoxes, en reconnaissant la difficulté de gagner sa vie sans créer des désordres, de limiter les désordres liés à l’activité  et ne pas se cacher derrière de beaux discours.  Cette forme  de sémantique s’appelle du Green-washing et bien des entreprises cèdent à cette facilité.
   Nous pensons qu’avec de la bonne  volonté, une juste réflexion, nous tous, pouvons limiter les dégâts occasionnés par nos activités.
   Nous, vous, les prestataires de services, les voyageurs indépendants et les voyageurs en groupe, ainsi que les institutionnels et les responsables politiques. 
   Ainsi se crée une chaîne de voyageurs et de prestataires, responsables et attentifs.
 
   Nous nous sommes permis  de vous écrire pour vous donner nos réflexions car nous pensons que vous les entendrez.

   Le voyage, la rencontre nous offrent ces moments pour réfléchir à nos actes, à échanger et changer en partie nos comportements.


   3. Une problématique rencontrée

   Sur la route, nous avons vu des paysages superbes mais aussi les dégradations que subit l’environnement. Nous souhaitons vous présenter ce que nous avons constaté et vu au sein de la Réserve Ornithologique du Sultan –Sultansazligi- dans la région de Kayseri.

   Depuis un mois, nous sommes sur place dans un fourgon aménagé, en bivouac près d’une famille. (En savoir plus : www.voyagesavenir.e-monsite.com)

   Cette réserve compte un nombre important d’oiseaux nicheurs et migrateurs : Flamant rose, Ibis falcinelle, Cigogne noire, Busard des roseaux, Pie grièche écorcheur, Héron pourpré, Héron Crabier ainsi que des tortues Cistudes, des couleuvres, des hérissons, des écureuils des steppes…
   Elle est gérée par la Maison du Parc et un Musée. Juste à côté se trouve un établissement, le restaurant-pension nommé «Sultan-Pansion».

   Nous marchons chaque jour pour observer la faune et la flore.
   Durant notre séjour, nous avons sillonné le parc.  Nous constatons que quotidiennement les déchets sont jetés par beaucoup de visiteurs turcs et étrangers.
   Nous nous sommes aperçu qu’actuellement, il n’y a aucun panneau à l’entrée du site (pour sensibiliser les visiteurs sur la protection de la nature) et le ramassage des ordures dans le parc n’est pas assuré.
   Nous sentant  en partie responsables des désordres générés par notre présence, nous avons décidé de nettoyer une partie du territoire de la réserve. Sur plusieurs jours, nous avons ramassé des centaines de bouteilles plastiques, du papier toilette, des bouteilles de verre, du carton, des paquets de cigarettes vides, des mégots, des canettes de bière en alu, des pochettes plastiques, de la ficelle…, ce qui représente environ une vingtaine d’heure de ramassage et des dizaines de poches remplies de déchets.
   Le responsable de «Sultan Pansion» voyant notre démarche est venu vers nous pour prendre des photos afin d’envoyer un dossier auprès de la presse. Nous avons refusé. Si d’autres personnes étaient venus nous aider et nous accompagner, pourquoi pas ! Et seulement dans ces conditions.

   Nous avons été choqués de voir le comportement des visiteurs,  par leur peu d’attention apporté à l’environnement. Aussi, nous avons réfléchi pour voir si nous ne pouvions pas faire quelque chose de durable. Nous avons rencontré le directeur du Parc, qui nous a renseigné sur les actions effectives réalisées depuis de nombreuses années à savoir :
   Protection des deux lacs, l’un salé et l’autre d’eau douce, par le contrôle de la qualité des eaux, par un suivi des pompages de l’eau pour les cultures, par une surveillance pour prévenir les incendies dans les roselières, par la lutte contre le braconnage. A la question sur la problématique des déchets, les réponses restent plus évasives. Nous lui avons soumis l’idée d’être aidé, il n’est pas contre. Concernant la «Sultan pansion», le responsable que nous avons rencontré, conscient des désordres, et conscient de par notre action, d’une image de marque dégradée, propose de prendre en charge (hébergement et repas) les bénévoles  adhérents d’associations sur l’environnement, ou étudiants et autres qui souhaiteraient s’investir dans un projet de protection du Parc. 

   Vous dites être sensible à l’éthique du voyage et à l’environnement, que votre équipe est convaincue que les voyageurs peuvent avoir un impact positif sur les pays qu’ils visitent pour peu qu’ils fassent preuve d’une attitude responsable. Vous nous informez que vous reversez un pourcentage de vos bénéfices en faveur de la défense de l’environnement.
   Donc, comme nous, vous vous sentez responsable de part votre activité d’éditeur des désordres produits sur l’environnement.

   Nous pensons que vous pourriez être un acteur actif en qualité de Partenaire auprès de la réserve du Sultan en la retenant dans votre prochain plan d’actions.

   Nous espérons que cet appel retiendra toute votre attention et qu’une action sera menée. Nous nous tenons à votre entière disposition pour des informations complémentaires.
   Vous trouverez ci-après  les coordonnées du Parc et de son responsable.

   Nous allons également nous rapprocher d’Associations Ornithologiques Européennes afin de les informer.  Nous pensons qu’elles ont aussi leur part de responsabilité.

   Des associations Turques  menant des actions sur l’environnement, seront contactées afin qu’elles soient informées.

   Cette lettre ouverte sera publiée sur notre site et votre réponse y sera ajoutée.

   Dans l’attente de vous lire,
   Bien cordialement,

   José et Colette Saudubois
   www.voyagesavenir.e-monsite.com

 

 

    Réserve Ornithologique Sultansazligi

    Ovaciftligi koyu
    Yesilhisar
    Kayseri
   TURQUIE

    Directeur : Mr Ayhan BAL
    bal.ayhan@hotmail.com
    tel   0532 595 22 47

 

    PS : Ces réflexions nous ont amené, nous même, à limiter notre consommation et nos choix dans nos achats. Nous avons privilégié l’achat sur les marchés, l’achat en vrac pour limiter les emballages
(ex : gâteaux au poids…).
   Avec les enfants, lorsque nous sommes invités par les familles,  nous offrons bonbons et autres friandises sans  les emballages etc.…
   Nous avons dans notre fourgon des toilettes, nous nous en servons sans chimie. Il suffit de les vider rapidement.
   Nous avons enlevé le réfrigérateur, consommateur d’énergie, gaz et électricité. Dans tous les pays traversés, nous trouvons très facilement à acheter les légumes et féculents.
   Nous avons changé nos habitudes alimentaires, (plus de viande, plus de fromage, plus d’alcool etc.…). Nous ne nous sentons privé d’aucune chose, de temps en temps nous allons au restaurant !

    Sur notre site, nous allons réaliser une étude concernant l’impact de notre empreinte écologique pendant notre voyage.





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